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Elijange - des mots....
5 janvier 2015

Fille de Samain - Chapitre I

« Elles sont belles, ma lande, ma vallée et ma rivière et je suis libre d’aller où je veux. »

Ainsi pense Arzhvaël qui court les pieds nus dans la rosée d’un petit matin de printemps en l’an 430 de l’ère chrétienne à laquelle elle n’appartient pas encore.

Elle aime son pays verdoyant, la rivière Boyne qui coule à ses pieds, les collines, les lacs et la mer qui n’est pas très loin et dont parfois elle sent les effluves chargés de sel.

Arzhvaël court parce qu’elle aime ça, elle aime l’odeur qui monte de la terre au petit matin et le soleil qui se lève à l’horizon dans un camaïeu d’orange, de rouge et de feu.

Tout à l’heure, pourtant, elle rejoindra la maison familiale et ira, avec sa jeune sœur, garder les moutons de son père. Pour l’instant, elle peut rêver tranquillement dans le jour qui nait à tout et à rien et surtout à la fête de Beltaine qui aura lieu dans trois jours, Beltaine c’est l’une des quatre fêtes que célèbre son peuple chaque année.

Son peuple, c’est celui des fils de Mile, les Goïdels ou Gaëls. Dans d’autres lieux, on leur donne le nom de Celtes. Les premières traces de ce peuple datent de la fin de l’âge de bronze vers 1200 avant Jésus Christ dans ce qui sera plus tard la France et l’ouest de l’Allemagne. Ils se sont probablement établis en Irlande, le pays d’Arzhvaël aux alentours du huitième siècle avant Jésus Christ

Arzhvaël ignore bien évidemment tout cela. Pour elle, selon les légendes, son peuple est le sixième à être venu sur cette ile. Le tout premier est arrivé cinquante jours avant le déluge, composé de beaucoup de femmes, il était dirigé par l’une d’entre elles qui avait pour nom Cessair, ce qui signifie la grêle.

Ensuite étaient venus les Némedians, les Fomorians et les Firbolgs. Ces derniers avaient été battus par les Tuatha dé Danan, la tribu de la déesse Dana venus des « iles du Nord du monde. »

Toutes ces légendes, Arzhvaël y croit parce que sa vie est écrite dans leur continuité. Elle croit en la présence dans des lieux profonds ou secrets, des Fomoirés, ces Dieux-Démons borgnes, manchots et unijambistes. Elle croit en la possibilité d’être aidée par eux. Elle croit en la magie de la nature. Elle est comme cette terre, belle et envoutante.

 

Le soleil se lève sur la Boyne, la rivière de Boanne, l’épouse d’Elcmar, la mère de Mac Oc qui pour se purifier de son pêché d’adultère fit trois fois le tour d’une source et disparue dans les eaux qui portent son nom.

Arzhvaël se baisse, les mains en coupe, elle puise un peu d’eau de la rivière, elle boit. L’eau est fraiche et limpide.

Elle se relève d’un bond, vive comme l’éclair, repart en sens inverse et court sans s’arrêter jusqu’à la lisière du village. Elle observe un instant tous ces gens qui commencent leur journée. Son père qui se nomme Ailéan est le chef de la bourgade.

Elle repart de nouveau, vive et légère, elle entre comme un courant d’air frais dans la maison où vit sa famille, le reflet du soleil joue sur ses cheveux de feu.

« Arzhvaël, où étais-tu encore passée ? » s’indigne sa mère.

« J’ai été profiter de la rosée et du soleil levant » réplique la fillette.

Ses yeux sont tellement remplis d’étoiles qu’Armelle n’a pas le cœur à gronder sa fille et puis après tout, elle la connait, elle est comme ça, fantasque et visionnaire car Arzhvaël du haut de ses onze ans est ce que l’on appelle ici une prophétesse, une des rares filles à pouvoir suivre l’enseignement oral des druides réservés aux élus.

Ainsi, Arzhvaël connait les secrets des plantes et des animaux, elle sait ceux des étoiles et de la lune, elle connait la magie des anciens temps et puis, elle a un don particulier qui n’appartient qu’à elle, elle peut voir l’avenir, elle a déjà prédit des choses qui sont arrivées comme la venue de ce missionnaire, Patrick. Arzhvaël sait qu’avec ce chretien viendra la fin de son monde tel qu’il est actuellement mais elle n’ignore pas non plus que la possibilité d’action sur ce qui doit être existe même si elle est plus que minime.

 

Ce matin, Arzhvaël et sa jeune sœur Audrey vont garder les moutons de leur père, elles vont aussi parler de la fête de Beltaine, la fête de la sortie des troupeaux, du retour de la vie après l’hiver, la fête des feux de Bel, le Dieu de la lumière.

Ce n’est pas la fête préférée de la fillette, elle préfère Samain qui correspond à la nuit du 31 octobre au 1er novembre mais qui se déroule en réalité sur une période de six jours avec comme point culminant cette fameuse nuit durant laquelle elle voudrait tellement trouver la porte du Sidh, l’autre monde qui n’est ouverte que ce jour-là, pour aller y chercher les connaissances qu’elle ne possède pas encore.

L’an dernier, elle n’a pas trouvé l’entrée, elle était sans doute trop petite, maintenant elle est presque une adulte. Elle sera bientôt en âge de se marier et elle ne manquera pas de prétendant comme dit son père, Ailéan le juste. C’est qu’Arzhvaël est belle, ses longs cheveux roux, ondulés, coulent comme une source de feu jusqu’à sa taille, ses yeux sont verts clairs, limpides et remplis d’innocence, de franchise et d’intelligence. Elle est petite mais bien proportionnée.

Sa sœur ainée Isolde s’est mariée l’an dernier, elle avait tout juste quatorze ans et elle attend déjà son premier enfant. Arzhvaël a également un frère, Malcolm, treize ans, quand à Audrey avec laquelle elle garde les bêtes de son père, elle vient d’avoir huit ans.

Arzhvaël est née la nuit de Samain, elle aura donc douze ans à cette date. Il parait que les enfants qui naissent ce jour-là sont tous particuliers et protégés par les Dieux, c’est sans doute pour cela qu’elle est prophétesse. 

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Les feux crépitent dans la nuit de Beltaine, les chants montent vers le ciel, les danses vont se poursuivre jusqu’au matin. C’est la fête du renouveau de la terre, du travail et de l’activité.

Arzhvaël s’est appuyée contre un arbre et observe tout cela en spectatrice. Le feu donne des reflets à ses cheveux, à sa peau, les rendant pareillement cuivrés.

« Arzhvaël, viens danser ! » s’écrie son frère Malcolm en la saisissant par la taille.

La jeune fille proteste un instant puis se laisse entrainer par l’enthousiasme de son frère. Malcolm est sans doute la personne qu’elle aime le plus au monde. Il suit les enseignements druidiques avec elle mais il ne veut surtout pas devenir druide. Depuis toujours, ils s’entendent à merveille n’ayant qu’un an et demi d’ecart.

Avec Isolde, les rapports d’Arzhvaël sont plus compliqués, la jeune femme a toujours été un peu jalouse de sa cadette née la nuit de Samain et aux dons si glorieux pour la famille. Elle a épousé un paysan comme le sont la majorité des hommes du village qui vit d’élevage et de culture, elle aura son premier enfant à l’automne et espère qu’il naitra la nuit de Samain même si elle sait que cela est peu probable.

Isolde envie aussi toute la liberté que ses parents donnent à sa sœur, ils ne lui ont jamais permis de courir seule dans la rosée du matin et elle n’a pas été admise à suivre les enseignements druidiques.

 

Assise sagement en raison de sa grossesse, elle observe Arzhvaël et Malcolm dansant comme des enfants et elle est encore amère parce que la beauté d’Arzhvaël est insolente, visible comme aucune autre dans le village, sa sœur est la plus jolie fille à marier de la région. Elle-même n’est pas spécialement laide, blonde tirant sur le roux, elle a de grands yeux bleus, une peau laiteuse et son mari la trouve jolie mais Arzhvaël c’est autre chose, même les vieux lui témoignent du respect et tout le monde pense que seul un roi sera digne d’elle.

 

Malcolm, quand à lui, est de grande taille alors qu’il n’a même pas encore terminé sa croissance, ses cheveux sont semblables à ceux d’Arzhvaël, son teint est pale, ses yeux sont verts, il a sans conteste de l’allure. D’ailleurs, il en impose malgré son jeune âge à ceux qui le rencontrent pour la première fois. Il est également vif d’esprit comme sa jeune sœur, ouvert et cultivé.

Isolde, enfant, enviait leur entente, elle aurait voulu être dans leurs confidences mais il n’y avait rien à faire, ils ne voulaient pas d’elle dans leurs jeux et elle devait se contenter de rester à la maison avec sa mère pour s’occuper de la petite dernière, Audrey. C’est bien la seule envers laquelle elle n’ait pas de ressentiment, Audrey est une petite poupée blonde, plutôt fade. Bien sûr, elle n’a que huit ans et elle peut encore beaucoup changer mais elle n’aura jamais la beauté d’Arzhvaël et cela console Isolde qui a bien conscience parfois de la jalousie qu’elle témoigne envers sa cadette. Une cadette avec laquelle elle n’a après tout que trois ans et demi d’écart.

 

Isolde aperçoit son père près d’un chêne en train de discuter tranquillement avec un druide. Il est le chef incontesté du village, tout le monde dit qu’il est juste. Ailéan est encore jeune, il n’a pas quarante ans, son père et son grand-père étaient déjà des hommes respectés au village, on écoutait leurs jugements et leurs avis sur la vie de la communauté et sur ses rapports avec les autres villages ou avec les moines évangélisateurs qui parcourent le pays depuis une dizaine d’années.

Ailéan aime beaucoup ses enfants comme tous les pères et contrairement à ce que pense Isolde, il n’a pas de préférence, il l’aime autant qu’il aime Arzhvaël, Malcolm et Audrey. Par contre, il a parfaitement conscience du fait que ses quatre enfants sont très différents les uns des autres. Il sait qu’Isolde sera une bonne épouse et une bonne mère, que Malcolm ne peut pas être paysan et que sa petite Audrey sera surement également mère et épouse. Pour Arzhvaël, il ne sait pas, il dit parfois en souriant que c’est une fleur sauvage qui ira où le vent la portera. Elle découvrira peut être le vaste monde qu’il aurait voulu parcourir lorsqu’il était plus jeune. Cela lui fait parfois un peu peur et en même temps, il voudrait bien partir avec elle. Il la regarde danser avec son frère, il sait que si elle part, ce dernier partira également, lui, son seul fils. Il partira pour la protéger. C’est inévitable.

« Ailéan » murmure son ami druide prénommé Gawen à côté de lui, « tu regardes Arzhvaël et tu te fais du soucis pour elle, tu as tort, elle est forte et elle ne fera jamais que ce qu’elle aura décidé. »

« C’est bien ce qui m’effraies, ma fille est trop volontaire, trop… elle est trop tout, elle ne connait pas la demi-mesure. »

« Elle est encore une enfant, laisse là un peu grandir, rien ne presse, le temps parfois remet les choses à leur place et Arzhvaël trouvera peut-être un jour son maitre. »

« J’en doute. »

Ailéan a pourtant souri, il ne se fait pas réellement de soucis pour elle comme si au fond il savait, puisqu’elle est née la nuit de Samain, que les Dieux seront toujours avec elle et qu’elle a un ange protecteur qui suivra toujours ses pas, son frère Malcolm.

 

Accrochée au bras de celui-ci, Arzhvaël participe à la fête, dansant et chantant avec les autres villageois. Elle ne fait pas attention aux regards posés sur elle, même si elle les sent parce qu’Arzhvaël perçoit énormément de choses qui ne sont pas dites ni montrées. Elle est comme cela, un peu médium, un peu prophétesse, un peu sorcière mais elle l’a toujours dit en riant, une sorcière d’accord mais une bonne qui aide les gens en devinant leurs soucis et en y donnant une solution. Une douce petite sorcière rousse qui peut guérir par les plantes, « parler » avec les animaux, trouver son chemin dans les étoiles, une petite sorcière qui veut trouver l’entrée du Sidh, qui veut tout comprendre et tout savoir. Une adorable jeune fille qui n’a rien d’exceptionnelle dans l’Irlande de son époque mais qui sait si ailleurs ses dons ne seraient pas vus comme des manifestations diaboliques ? Le diable, elle ne le connait pas, il n’existe pas, pour son peuple rien n’est tout blanc ni tout noir, tout est mélange dans l’univers, tout est couleur, c’est peut-être pour cela que son peuple a une grande ouverture d’esprit et qu’Arzhvaël n’a peur de rien.

Source: Externe

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