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Elijange - des mots....
28 mai 2017

Achildr - Livre 2 : La Francie Occidentale - Chapitre 4

J’avais ensuite passé des jours et des jours à y penser, à élaborer des scénarios tous plus bancals les uns que les autres. De toute façon, Malcolm qui me semblait être redevenu Lug dans toute sa splendeur ne prêtait plus tellement attention à moi bien trop occupé par son instinct premier retrouvé de conquêtes et de raids.

J’avais fini par aller plaider ma cause auprès de mon frère, en lui disant que ce n’était pas une vie pour des enfants et qu’il fallait qu’il trouve une solution pour que je puisse m’installer quelque part au calme avec les petits en attendant leur retour. A ma grande surprise mon frère avait pensé que l’idée était bonne, en avait-il assez de trimballer une femme toujours en train de contester la moindre de ses actions et deux enfants qui ne lui servait à rien ? Je ne sais pas mais toujours est-il qu’il convainquit Malcolm sans aucune difficulté comme si je ne lui avais servi qu’à ré assoir son assise pour mieux repartir en conquête.

Ce fut à la fin de l’automne 891 qu’enfin je pus m’installer sur les rives de la Seine dans un faubourg très peuplé où nos hommes avaient mis la main basse sur les maisons des gens qu’ils avaient fait fuir. Petit à petit certains habitants revenaient et surtout certains des pillards prenaient épouses dans la région et se mettaient à exercer leurs anciens métiers, il y avait ainsi des forgerons, des tisserands, des commerçants de tout ordre et ce fut avec plaisir que je m’installais dans une petite maison bien différente de celles que j’avais connu en Islande, ici pas de pièce commune où tout se passait, au contraire il y avait une pièce de taille moyenne où l’on préparait et où l’on prenait les repas et des petites pièces qui servaient de chambres, j’avais aussi une petite pièce à l’arrière de la maison pour y entreposer des provisions que mes voisins appelaient un cellier. La maison choisie disposait également d’un jardin et d’un poulailler. Malcolm et Harald ne s’attardèrent pas dès qu’ils me surent à l’abri du besoin pour l’hiver, ils prirent congé repartant de plus belle à l’assaut des villages et des villes où ils n’avaient pas encore été.

Maëlig avait cinq ans, elle fut ravie de découvrir cet univers de calme et de sérénité, plus de cris, plus de sang, plus de peur, seulement un foyer avec des occupations paisibles. Tous les matins nous allions ramasser les œufs, nous fîmes également des cueillettes de champignons et le ramassage des marrons. Un voisin avait des chèvres et m’offrit du lait contre des œufs.

Au printemps, j’avais dit à ma fille que nous cultiverions la terre pour y planter quelques légumes comme les carottes, les courges ou les haricots. Maëlig était une petite fille joyeuse et pleine de vie, elle adorait cet univers.

C’était sans doute différent pour Cyan, déjà parce qu’il était petit et aussi parce qu’il était très attaché à son père et aux autres hommes. Il passa plusieurs jours à les chercher tandis que je m’employais à le rassurer.

Pourtant il avait fini lui aussi par aimer notre vie simple. Nous étions entourés de sympathiques voisins, tout autant les anciens compagnons d’arme d’Harald qui avaient décidé de fonder une famille et qui étaient devenus paisibles mais aussi les quelques habitants de Francie qui étaient revenus. En fait, la plupart de ces gens m’accueillirent à bras ouverts. Plusieurs hommes d’ailleurs aussi bien de chez moi que de Francie s’employèrent à me faire la cour mais je ne répondis à aucun car je n’avais aimé que Malcolm et je n’avais jamais été intéressé par le mariage et les hommes en général.

J’étais encore malgré tous les changements, l’épouse de Malcolm et je ne tenais pas à casser les liens de ce mariage. J’étais encore sans doute pleine d’illusions, je croyais qu’à un moment quand il en aurait assez, il me reviendrait et qu’il serait de nouveau cet homme charmant que j’avais connu. Je ne voulais pas croire qu’il s’était servi de moi.

Souvent je pensais à mon village, à mes parents, à Solveig et j’avais la nostalgie d’eux et une forte envie de partir mais je n’étais pas certaine d’avoir le courage de refaire le chemin dans l’autre sens. Je me disais que j’allais attendre et voir de quoi l’année suivante serait faite.

Quelle douce ironie ! J’ai attendu l’année suivante puis celle encore d’après et le temps passait et j’avais l’impression que ma vie coulait entre mes doigts, que je me laissais endormir dans quelque chose qui n’était pas moi. Malcolm et Harald apparaissaient de temps en temps dans cet univers, ils passaient quelques semaines parfois un mois auprès de nous puis ils repartaient. Harald avait pris une épouse à laquelle il faisait un enfant quasiment à chacune de ses visites, même s’il ne venait pas souvent. Pendant les sept ans que dura cette situation, elle eut tout de même cinq enfants, elle était douce et gentille, c’était une fille du pays, elle s’appelait Guenièvre, elle était brune, plutôt jolie et elle était follement amoureuse d’Harald. Elle eut donc trois filles et deux fils dont Harald semblait ne pas avoir grand-chose à faire.

Nous étions au printemps 898 quand les choses enfin changèrent. C’était un printemps doux et humide comme souvent ici, je vivais ma vie paisible et je m’en portais bien.

Maëlig allait déjà avoir douze ans, elle devenait petit à petit une jeune fille, grande et brune avec toujours ce regard bleu perçant, elle était très belle et à l’image de son père elle inspirait le respect mais pas la crainte car elle était douce, serviable, elle avait le cœur sur la main. Son frère qui avait neuf ans et demi était devenu un petit diablotin rieur et farceur, la couleur de ses cheveux qui avait posé quelques soucis au début de notre installation ne suscitait maintenant plus aucune émotion sauf pour les nouveaux venus qui souvent n’avaient jamais rien vu de tel.

J’aidais souvent la femme d’Harald qui était en permanence débordée et enceinte, elle l’était d’ailleurs au printemps 898 de leur sixième enfant, sa santé se faisait de plus en plus fragile à chacune de ses grossesses et je craignais qu’un jour elle meure en couches.

C’était un matin clair et nous apercevions des bateaux à l’horizon, j’avais alors pensé que nos hommes étaient de retour mais au bout de quelques heures nous vîmes bien que ce n’était pas eux. Les bateaux finirent par accoster. A leurs bords, ils y avaient majoritairement des hommes du nord et c’est là que je le vis pour la première fois, il apparut sur le quai dans un habit chamoisé, il me parut immense et pourtant j’étais grande, il était à vue d’œil plus grand qu’Harald et Malcolm et surtout beaucoup plus imposant, il semblait taillé dans le roc. Il avait une longue barbe blonde très bien taillée et un magnifique visage éclairé par des yeux d’un bleu intense.

C’était la première fois depuis Malcolm que je me sentais attirée par un homme. Je déchantais bien vite, plusieurs femmes se pressaient derrière lui et il souleva un petit garçon d’environ cinq ans dans ses bras.

Il se présenta aux hommes alentour en descendant et j’entendis pour la première fois son nom, Hrolfr, un nom de chez nous. Je suivis l’assemblée quand il entra dans le village et je sus vite qu’il était quelqu’un d’important, il avait participé au siège de Paris avec mon frère et la bande de Siegfrid quelques années plus tôt puis il était parti pour l’Angleterre. La mère de l’enfant qu’il avait soulevé était une sorte de princesse qu’il avait enlevée, il avait plusieurs autres épouses à la mode de chez nous, c’est-à-dire simplement des concubines.

Le petit garçon s’appelait Guillaume, il était vif et curieux, c’est ainsi que je le retrouvais devant mon poulailler le lendemain matin de son arrivée en grande conversation avec Cyan. Les deux enfants avaient visiblement beaucoup de choses à s’apprendre. Cyan posait des questions sur l’Angleterre et Guillaume voulait connaître tout de la vie du village. Ils passèrent une longue heure ensemble avant que nous voyions arriver Hrolfr.

« Bonjour » s’était-il écrié, « je viens chercher mon fils, on m’a dit qu’il était chez vous, je suis désolé du dérangement qu’il a pu vous causer, il est curieux de tout et ne se rend pas compte s’il dérange. »

« Ce n’est pas grave, il discutait avec mon fils, ils ont l’air de bien s’entendre, Cyan ! Viens avec ton nouvel ami, son papa est là ! »

Je vis le regard de surprise du géant blond à la vue de mon fils. Je souris.

« Oui je sais, la couleur de ses cheveux surprend, voici Cyan mon fils et voici Maëlig ma fille. »

Cette dernière qui venait d'apparaître sur le seuil de la porte sans doute parce qu’elle m’avait entendu parler avec quelqu’un, salua et rentra dans la maison.

« Non pas de soucis » ajouta l’homme, « c’est juste surprenant, j’ai traversé bien des pays mais cette couleur est inédite. »

« Cela vient de loin. »

« Votre époux ? »

« Mon époux est irlandais, il est quelque part avec une troupe en ce moment en compagnie de mon frère que vous connaissez peut-être, il s’appelle Harald Bjornarsson et mon époux se prénomme Malcolm mais il se fait appeler Lug. »

Une lueur s’alluma dans ses yeux.

« Je les connais, en tout cas on m’a parlé d’eux, je suis venu d’ailleurs pour les aider, je dois rencontrer l’archevêque de Rouen avec lequel j’espère conclure un accord. »

« Lequel ? »

« Que nous puissions garder les terres sur lesquelles vous êtes. »

« En échange de quoi ? »

« Je ne sais pas encore, pour en revenir à votre frère et à votre époux, on m’a dit qu’ils étaient très zélés, peut-être trop et qu’il faudrait qu’ils se calment un peu. »

Je m’étais soudain sentie très inquiète, il l’avait sans doute vu car il continua.

« Trop de pillage et surtout trop de morts, on surnomme votre époux le diable et le diable pour ces gens qui sont chrétiens c’est un vrai fléau, c’est le mal personnifié mais rassurez-vous je vais mettre fin à tout cela et vous le ramenez à la maison… Si toutefois vous le souhaitez. » avait-il ajouté en me regardant droit dans les yeux.

« Je n’en suis pas si sûre, je vis ici depuis sept ans et je me porte très bien de son peu de présence. »

« Je m’en doutais un peu. »

Sur ce, il m’avait souri, je devais lever les yeux pour le regarder et ce n’était pas si courant, son regard m’avait fait fondre et j’avais baissé les yeux. Il avait pris congé en emmenant son petit garçon mais il lui avait promis qu’il pourrait revenir jouer avec Cyan vu qu’il allait rester ici pendant que lui-même irait régler ses affaires. Je l’avais regardé s’éloigner aimanté par sa silhouette à la fois massive et élégante, par toute la distinction et la puissance qui émanait de lui. Pour la première fois depuis longtemps, je me sentais des envies d’amour et de découverte, cela faisait un bien fou mais si cela pouvait paraître illusoire que Hrolfr puisse s’intéresser à moi avec toutes les femmes qui devaient lui courir autour et toutes celles qu’il avait déjà.

 

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J’aime cette ambiance de terreur, je sens la peur et je sais que j’aime cela. Je croyais avoir changé mais il a suffi de si peu pour que je redevienne Lug, c’est ainsi que l’on m’appelle de nouveau désormais, je suis Lug, il n’y a plus de Malcolm, il était un leurre, une façon pour moi de refaire surface, de reprendre pied dans le monde des humains.

Je suis heureux d’avoir trouvé ces hommes du nord, ils me donnent l’impression d’être quatre cent cinquante ans en arrière quand je suivais dans l’ombre les troupes d’Attila qui dévastaient l’Europe mais c’est encore mieux puisque cette fois-ci j’y participe. Quand je suivais Attila, je suivais les pas d’Arzhvaël et d’Ethel et je ne me montrais pas, il me faisait un peu peur, j’ai préféré attendre qu’il soit mort pour me révéler à tous. C’est différent, personne ne me fait peur ici, je suis celui qu’on craint le plus, je suis le diable disent-ils comme Attila était le fléau de Dieu. J’aime cela, j’aime que l’on parle de moi et que l’on me craigne. J’ai trouvé en Harald un parfait second, il obéit et il aime lui aussi la peur qui se dégage des vaincus, leur terreur, il est très différent de Malcolm, le frère d’Arzhvaël qui était bien trop bon. Bien sûr Harald n’est pas quelqu’un de très méchant mais c’est un suiveur, il m’obéit parfaitement.

Achildr ? Je pense souvent à elle car c’est grâce à elle que je suis ici, c’est grâce à elle que j’ai rencontré ce peuple et que je suis redevenu moi-même mais elle n’a pas l’envergure d’Arzhvaël et encore moins d’Ethel. Elle est tellement pacifiste et finalement elle se contente de peu.

Quand à mes enfants, Maëlig est décevante, tellement douce et bienfaisante, elle utilise ses dons pour guérir à la façon de sa tante Solveig.

Cyan est intéressant mais jusqu’à maintenant je n’ai jamais pu persuader Achildr de le laisser venir avec moi, elle le trouve beaucoup trop jeune. Pourtant je sais que le temps viendra un jour prochain pour lui et moi.

 

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