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Elijange - des mots....
23 juin 2018

Papa

Papa, voilà ça fait 20 ans... C'est incroyable. C'est long et court à la fois.
20 ans que tu n'es plus à mes cotés.
20 ans que le monde tourne sans toi.
Le monde a changé en 20 ans mais tu t'y serais adapté sans peine.
Mon monde a changé en 20 ans, comment serait-il si tu étais encore là ?
Papa, je n'ai pas de regret même si j'aurais souhaité que tu restes un peu plus, je n'occulte rien, je ne prétends pas que tu étais un saint ou le père parfait, j'ai cherché à comprendre tes obsessions, tes addictions et tes névroses, j'ai mis du temps, j'étais jeune mais j'ai compris et entrevu tes raisons et j'ai pardonné parce que c'est la seule chose que je puisse faire, parce que ce n'est pas en me battant contre des moulins à vent que j'aurais pu avancer, je veux me souvenir du meilleur, de l'homme cultivé, intelligent, éclairé et tolérant que tu étais.
Papa, je veux me souvenir de nos discussions enflammées, de tes avis sur tout, de ta culture immense et de ta passion pour le foot qui a illuminé tes dernières semaines même si tu es mort avant la victoire de cette équipe de France que tu soutenais tant.
Le soir du 12 juillet 1998 quand ils ont gagné, c'est à toi que j'ai d'abord pensé pendant que maman s'endormait sur le canapé parce que je sais que tu aurais été heureux. Papa, c'est maman qui a eu le plus de peine à continuer à avancer car tu l'as laissé toute seule et je n'ai pas été capable de compenser ton absence, j'avais ma vie à vivre, je pense que tu aurais compris, je n'ai pas voulu être le baton de vieillesse qu'elle aurait souhaité que je sois. Je ne voulais pas la laisser, je ne voudrais pas la laisser mais je n'y arrive pas, le lien est cassé et je ne sais pas comment le reconstruire. Je sais bien qu'elle est agée mais cela n'excuse pas tout. Elle doit se demander comment il se fait qu'elle a en quelque sorte tout perdu mais elle aurait du rester neutre et tout se serait parfaitement passé, ma soeur qui n'a jamais voulu de moi serait encore à ses cotés à jouer la bonne fille, mon frère qui n'a pas d'avis aurait continué à s'occuper d'elle et ses petits fils (excepté celui qui est toujours à ses cotés) seraient restés proches d'elle, même si au fond tout cela aurait été faux. Alors oui, si tu veux savoir, papa, je l'aime ma maman, j'aime cette maman qui m'a bercé d'amour dans mon enfance, cette maman qui a veillé sur moi quand j'étais toute petite, cette maman qui me mettait sur un piédestal que je ne demandais pas devant tout le monde, j'aime moins celle qui rabaissait systématiquement ma soeur comme si j'étais mieux qu'elle, moi je ne demandais rien, j'aime moins la maman qui me traquait comme si j'étais une criminelle qui allait faire toutes les bétises du monde dès que je daignais m'éloigner d'elle alors que j'avais largement l'age de le faire, j'aime moins celle qui a été jusqu'à fouiller mon courrier alors que j'étais une adulte depuis longtemps, celle qui s'est permis de juger sans savoir, celle qui a été se plaindre partout de mon soi-disant comportement. Est-ce que je lui en veut encore ? Même pas, je suis juste triste parce que la première maman me manque et que je n'arrive pas à m'habituer à celle qu'elle est devenue, parce que le lache me manque, s'il y en a bien un qui me manque c'est lui. Parce qu'à cause de tout cela je ne suis plus la soeur de personne, je n'ai plus de soeur, je n'ai plus de frère, parce que je ne suis plus la tante de personne, parce que mes neveux et ma nièce avec lesquels j'avais grandi ne veulent plus me parler, certains parce que soi-disant j'ai fait du mal à leur mère alors que c'est elle qui n'a jamais accepté que j'existe et les deux autres pour des raisons obscures qu'ils seraient bien en peine l'un comme l'autre de m'expliquer puisque je ne me suis jamais réellement brouillé avec leur père, que ce dernier se contente juste de m'ignorer comme si je n'avais jamais existé.
Papa, je sais que je dialogue avec un mort mais tu es tout ce qu'il reste de mon univers d'il y a 20 ans, tout le reste a disparu mais j'ai rebondi, je suis en vie, cela n'a pas été sans mal parfois, je suis heureuse, mon monde et mon univers sont tels que je le souhaitais sans même le savoir. J'évite de me tourner vers hier mais parfois au détour d'une photo je pense à eux et l'espace d'un instant je suis triste mais ça passe, tout passe.... comme les 20 ans de ton absence sont passés.

papa juin 1998

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