Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Elijange - des mots....
13 juin 2015

Pour l'amour d'Ali - Livre I malentendus - Première partie : l’enlèvement - Chapitre 3

Pierre, allongé dans son lit, repense à l’agitation de ces quatre dernières semaines, ses parents et ceux de Marie arrivés en catastrophe, la famille, frères, sœurs, tantes, oncles, les amis, les parents des camarades de classe d’Ambroisine ont tous tenus à dire combien ils sont bouleversés par la disparition de leur fille mais ils n’ont fait qu’aggraver l’équilibre nerveux déjà fragile de Marie, la pauvre ne sait plus vraiment où elle en est et la présence de Nicolas n’arrive pas lui faire oublier qu’elle a perdu sa deuxième fille. Elle passe ses journées comme un zombie à déambuler dans la maison en robe de chambre, les cheveux en bataille, elle ne se maquille même plus alors qu’elle était plutôt coquette. Il a fallu que Pierre prenne un congé car sans cela Nicolas serait resté des heures à hurler dans son petit lit de bois blanc sans que Marie réagisse. Quant à la police, elle a arrêté les recherches. Ils disent qu’il n’y a qu’une chance sur un million pour qu’elle soit retrouvée vivante. Comme Marie, Pierre est malheureux, il a lui aussi perdu deux enfants. Emeline il y a déjà six ans, Emeline l’enfant pour laquelle Pierre et Marie s’étaient mariés il y a de cela seize ans. Marie avait alors à peine dix-sept ans et était enceinte, Pierre avait vingt ans et l’aimait à la folie. En ajoutant à cela, la perte d’Ambroisine il se sent comme vide. Il aime son fils mais il voudrait tellement qu’Ambroisine soit retrouvée. Il imagine alors ce que serait leur vie avec elles maintenant et des larmes glissent silencieusement sur ses joues, il sait qu’il faut qu’il soit courageux pour deux, qu’il soutienne Marie, c’est pour cela qu’il veut un autre enfant, Marie n’a que trente-trois ans, c’est encore possible, une petite fille ou un petit garçon qu’il surprotégeront et qu’ils ne laisseront pas rentrer de l’école tout seul avant très longtemps. Il sait comment ils l’appelleront si c’est une fille, ce sera Emeline en souvenir de leur première enfant.

 

----------------------------------

Du haut de sa fenêtre qui donne sur le jardin, Claire observe Selma et Ambroisine qui jouent.

« Quelles sont mignonnes ! » pense-t-elle, «  on dirait deux anges dans le jardin du paradis. »

Cela fera bientôt six mois qu’Ambroisine est à Istanbul et déjà elle ne parle plus de ses parents en tout cas pas avec Claire et Selma mais elle pose bien des questions à Sélim à leur sujet.

Claire regarde scintiller les cheveux blonds d’Ambroisine dans le soleil, doucement elle fait glisser le voile qui retient les siens, des cheveux blonds et bouclés apparaissent, elle se regarde dans la glace, elle se trouve belle mais ce n’est pas elle qui importe, ce sont ses enfants. Elle aurait pu trouver un autre mari à la mort d’Ali mais elle n’a pas voulu car cela aurait compromis l’avenir d’Omar et de Selma, car doucement au fil des ans, elle constitue un véritable empire pétrolier pour son fils. Ainsi à sa majorité, il sera riche mais pour l’instant c’est son éducation qui est importante comme celle de sa sœur et de sa future femme. C’est pour cela que Selma et Ambroisine ont à leur programme l’apprentissage de la lecture, de l’écriture et du calcul, les deux premiers se déroulant dans plusieurs langues, en turc la langue du pays, en arabe, la langue des musulmans, en français celle qu’elles parlent tous les jours et en anglais, pour pouvoir se débrouiller partout dans le monde. Elles reçoivent aussi des cours d’histoire de France et de Turquie, des cours de géographie, un peu de sciences et de biologie et des cours de dessin. Tous ces cours sont prodigués par des professeurs particuliers. Omar reçoit à peu près la même éducation avec en plus des cours d’économie. Pour ce qui est du sport, tous trois pratiquent l’équitation et Omar prend en plus des cours d’escrime. Il est également prévu que Selma et Ambroisine apprennent le piano l’année prochaine quand elles auront huit ans. C’est un programme bien chargé mais c’est l’éducation que Claire a reçue et elle en a été heureuse.

Toujours pensive, elle quitte sa fenêtre et se dirige vers le balcon qui se trouve  à l’opposé, là, dans la cour, Omar est en grande discussion avec son écuyer. Il n’est encore qu’un petit garçon de onze ans mais il dégage déjà une certaine autorité, il en impose aux gens qui le rencontrent, ses yeux bleus pales et ses boucles sombres n’y sont certainement pas étrangères. Dans une dizaine d’années, il épousera Ambroisine et celle-ci à son tour cherchera une fillette pour épouser son fils. Le seul problème c’est qu’il ne faut pas qu’il y ait plusieurs fils sinon ce serait catastrophique mais heureusement cela n’est encore jamais arrivé malgré ce que dit la vieille Salomé qui prétend que les deuxième-nés garçons étaient sacrifiés du temps de Greta et que c’est pour cela que cette dernière est devenue folle car Salomé affirme qu’elle a eu quatre fils dont les trois derniers furent tués sous ses yeux par la mère de son époux, la sultane Leila qui était violente et dure même pour ses petits-enfants. Claire ne pourrait pas tuer un enfant pourtant le remord la ronge, est-ce qu’enlever un enfant en laissant ses parents dans l’incertitude de son sort, ce n’est pas la même chose ? Dans ce cas elle est coupable d’un crime. Pourtant elle aussi a été enlevée et c’est pour cela qu’elle sait que lorsque l’on a connu le jardin du palais d’Istanbul, retourner dans la vie triste et terne des pays d’Europe de l’ouest est un enfer. Après la naissance d’Omar, à sa majorité, Claire a voulu revoir sa famille, Ali l’a accepté mais ce qu’elle a trouvé en France l’a déçue. Bien sûr elle a été accueillie avec chaleur mais il manquait quelque chose, comme un lien qui devait se constituer au fil des années et qui n’avait été que ébauché. Pour ses parents, pour sa sœur, elle était devenue une étrangère. Sa mère avait été choquée d’apprendre qu’elle était devenue musulmane pour l’amour d’Ali, elle si ancrée dans sa foi chrétienne, de plus sa fille était la femme d’un turc auquel elle venait de donner un fils au nom typiquement de « là-bas » comme elle disait. Claire s’était aussi heurtée au mari de sa sœur, membre d’un parti d’extrême droite qui voyait en elle une personne dangereuse puisque pétrie dans une autre culture. Elle a du mal à retenir ses larmes en pensant à tout cela, elle se souvient que sa photo trône encore sur le téléviseur de ses parents mais elle s’était sentie étrangère en revenant « chez elle », la maison était bien telle qu’elle l’avait laissée mais elle ne la voyait plus avec le même regard, sa chambre intacte après dix ans d’absence l’avait émue mais elle avait cherché en vain à retrouver l’enfant qu’elle était. Où donc était passée la petite fille de huit ans qui voulait devenir actrice ? Elle était devenue la sultane Claire dont le seul but dans la vie était d’être heureuse et qui préférait son monde d’Istanbul à la vie de ses parents. Malgré tout cela, elle leur écrit mais ce n’est que par politesse et parce que malgré tout ce sont ses parents et elle les aime mais jamais elle n’aborde avec eux des sujets importants, comme ses puits de pétrole, ses hôtels, ses commerces et qu’est-ce que ce serait s’ils avaient connaissance du pèlerinage à la Mecque, le Hadj qu’elle a effectué il y a deux ans avec Omar, laissant Selma trop petite à la garde de Sélim et de ses servantes. Il la trouverait encore plus bizarre si il savait qu’elle veut aussi faire d’Ambroisine une musulmane et surtout si ils savaient qu’elle a fait enlever la petite fille mais ils ne le sauront jamais, de toutes façons la vie de Claire ne semble pas les intéresser car pour eux elle est à tout jamais perdue et c’est la raison pour laquelle elle sèche ses larmes, à quoi bon pleurer sur des si, si ce n’était pas arrivé, Claire est persuadée qu’elle serait une femme médiocre avec un mari médiocre, des enfants médiocres, une vie médiocre, elle aurait l’amour de ses parents mais elle n’aurait jamais connu celui de Diane et surtout celui d’Ali qui l’aimait plus que sa propre vie. Elle n’aurait jamais connu l’affection de Sélim, elle n’aurait pas Omar et Selma, ni Ambroisine et surtout elle n’aurait pas cette impression d’avoir pénétré les mystères de l’Orient, d’être entré dans un monde magique. Elle se rappelle combien petite fille elle avait été éblouie par ce palais des merveilles qu’est le palais de la sultane Shéhérazade, fausse sultane mais vraie beauté dont on vante encore le teint doré, les yeux noirs et les cheveux sombres et bouclés. Elle se souvient aussi de son admiration devant la grande mosquée Sainte Sophie alors qu’elle avait onze ans, c’est là que sa foi est née et puis aussi en écoutant Ali lui parler du prophète dont le gendre portait son prénom. C’est encore la magie de l’Orient qui l’avait saisi en écoutant les contes des mille et une nuits raconté par la vieille Salomé, cette même Salomé qui dit que Selma ressemble terriblement à la Shéhérazade qui a fait construire le palais. Quelquefois Claire regrette d’être blonde et non pas brune comme sa fille.

Omar tourne la tête vers le balcon et voyant sa mère, il lui fait un signe de la main accompagné d’un sourire et lui crie bonjour en turc, elle répond de même puis rentre mélancoliquement à l’intérieur de sa chambre, elle entend les cris et les rires de Selma et d’Ambroisine et son destin lui semble tout tracé.

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
Elijange - des mots....
Publicité
Archives
Newsletter
Visiteurs
Depuis la création 10 996
http://astore.amazon.fr/elijange-21
Pages
Elijange - des mots....
Publicité