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Elijange - des mots....
24 juillet 2015

Pour l'amour d'Ali - Livre I Malentendus - Cinquième partie : La folie d'Emeline - Chapitre 12

« Istanbul » s’écrie Claire en respirant l’air de la ville en sortant de l’aéroport. Les voilà enfin de retour à Istanbul. Ils prennent un taxi et ils arrivent rapidement devant le palais. Il est tel qu’ils l’avaient laissé.

Quelques femmes les accueillent, ce sont les servantes que l’on a gardé pour entretenir le palais, Yasmin les fait retourner à leur travail et accueille les maîtres des lieux avec quelques friandises. Claire sent en elle renaître le sentiment qui l’avait envahi la première fois où enfant elle avait vu le jardin. Elle se revoit entre les arbres quand elle écoutait Diane lui raconter de jolies histoires, elle se souvient des jours heureux avec Ali, elle revoit Omar faire ses premiers pas dans ce jardin, elle revoit sa Selma si jolie.

« Ça fait drôle d’être ici » chuchote-t-elle à Sélim.

« Ça fait du bien aussi » répond Sélim.

« Je  vais monter dans ma chambre pour voir Istanbul. »

Claire coure comme elle ne l’a pas fait depuis longtemps mais arrivée en haut devant la grande porte à double battants de sa chambre, elle s’arrête, elle respire l’air du palais puis elle ouvre les battants, les volets sont fermés, la pièce sent un parfum étrange, l’atmosphère est un peu pesante mais elle a le cœur léger, elle coure d’un meuble à l’autre, ouvre le tiroir où se trouve toutes les photos, elle prend celle de la première Emeline et la déchire en mille morceaux qu’elle laisse tomber sur le sol, elle coure à la fenêtre et elle voit Istanbul briller sous le soleil, elle regarde la cour blanche en bas, elle y revoit Omar. Elle appuie ses coudes sur le haut du balcon et elle pense à ceux qu’elle a laissés en France. Son fils adoré Omar a bien des problèmes avec la petite Caroline à la beauté fragile. Ambroisine n’arrive pas à accepter cette enfant même si elle croit y être parvenue. Quand à Selma elle est devenue si triste depuis la mort de Mounir.

Elle sent une main se poser sur son épaule, c’est Sélim.

« Tu rêvais ? »

« Oui et je vais pouvoir rêver tous les jours ici. »

Ils s’embrassent dans le soleil puis ils tournent tous les deux leurs regards vers la ville. Ils sont heureux d’être revenus vers ce qui a été la source de leur vie.

 

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Shéhérazade secoue ses boucles noires et regarde sa maman. Ça l’ennuie de la voir toujours si triste. Bien sûr elle sourit quelquefois mais l’enfant sait bien que ça ne vient pas du fond du cœur. Sa maman lui a déjà expliqué qu’elle était malheureuse parce que son papa est mort mais Shéhérazade ne l’a pas connu et pour elle, il n’a aucune importance, ce qui en a c’est sa jolie maman.

Selma, quant à elle, regarde sa fille et pense combien elle lui ressemble cette fillette si gaie, si vive, si belle mais Selma a toujours en elle cette tristesse dont elle n’arrive pas à se débarrasser.

Du coté de ses affaires, cela va plutôt bien, Selma est connue dans le domaine de l’import-export comme quelqu’un de redoutable et bientôt sa société sera cotée en bourse. Elle a gagné son défit mais cette femme en apparence froide repense quelquefois à l’adolescente insouciante et insoumise qu’elle était et elle regrette la Selma d’autrefois.

 

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« Nous sommes comme vous, nous avons les mêmes droits. »

Nicolas et Guillaume reprennent avec enthousiasme le cri de leurs camarades. Voilà des années maintenant qu’ils militent dans cette association pour la reconnaissance des droits des couples homosexuels. C’est en quelque sorte la lutte de leur vie car rien n’est évident pour eux, ils leur arrivent de se faire insulter dans la rue quand les gens s’aperçoivent que Nicolas n’est pas une femme.

Ce dernier a terminé depuis déjà quelques années ses études aux beaux-arts, il s’est lancé dans la carrière d’artiste peintre mais ça ne rapporte pas beaucoup d’argent tant que l’on n’est pas connu. Guillaume est architecte et gagne bien sa vie mais il n’en est qu’à son premier emploi.

« Papa ! »

C’est la voix de Mylène, ils se retournent.

« Qu’est-ce que tu fais ici ? »

« Je suis venue vous soutenir. »

« Tu n’es pas chez Ambroisine ? »

« Non mais nous irons après la manifestation. »

« Tu es folle Mylène, tu vas rentrer tout de suite à la maison » gronde Guillaume.

« Oh papa, je veux manifester avec vous, je vous aime tous les deux et je crois que vous avez raison de protester contre l’intolérance des gens. »

Guillaume tourne ses yeux vers Nicolas qui lui fait signe que c’est bon.

« Bon d’accord tu es vraiment incroyable. »

« Non, je suis Mylène » s’exclame la gamine en secouant ses boucles rousses et en se mettant à hurler avec les autres.

A cet instant, un homme passe et regarde les manifestants avec étonnement. Il se précipite vers Guillaume.

« Vous êtes Guillaume Fiemse. »

« Monsieur Collart ! »

Le visage de l’homme s’est fermé, son regard reflète à la fois incompréhension et colère.

« Vous ne m’aviez pas fait part du fait que vous étiez homosexuel lors de votre embauche. »

« Je ne pensais pas que cela ait de l’importance pour le métier que j’exerce. »

« Mais si ça en a, si je l’avais su je ne vous aurais pas engagé, cela peut porter préjudice à mon cabinet d’architecte. »

« Mais monsieur, vous me trouviez très compétent. »

« Votre compétence n’est pas en cause, Monsieur Fiemse mais vous êtes renvoyé. »

« Vous n’avez pas le droit. »

Guillaume se retient pour ne pas frapper mais Mylène a bondit.

« Ce n’est pas juste. »

« Qu’est-ce que tu veux petite ? »

« Je m’appelle Mylène et c’est mon père, vous n’avez pas le droit de le renvoyer, l’homosexualité n’a rien d’anormal. »

« Qu’est-ce que tu en sais à ton âge ? »

« Je le sais c’est tout, y a pas besoin d’être grand pour savoir certaines choses, vous êtes comme tous les autres, un intolérant, vous n’acceptez pas la différence mais qui peut se donner le droit de définir ce qui est normal et ce qui ne l’est pas ? »

Mylène est une enfant très sensible et les larmes coulent le long de ses joues parsemées de taches de rousseur.

« Lui c’est mon père et lui c’est mon autre père, je les aime tel qu’ils sont parce qu’ils ont beaucoup d’amour à me donner, est-ce que vous savez ce que c’est l’amour ? Moi je vois celui de mes parents tous les jours devant mes yeux et c’est aussi beau que celui des couples hétérosexuels, il y entre eux bien plus que de l’amour, il y a de la tendresse, du respect, de l’admiration et je suis heureuse de faire partie de leur vie. »

L’homme la regarde avec attention mais il n’a pas envie de revenir sur sa décision.

« Ecoutez jeune fille, je comprends ce que vous dites mais ce n’est pas uniquement de moi dont il s’agit mais de la réputation de mon cabinet d’architecte. »

« Je vois que vous êtes buté Monsieur, je vous souhaite de ne jamais connaître l’exclusion. »

Mylène redresse la tête avec fierté, secoue ses boucles rousses et s’éloigne avec dédain en entraînant par la main ses parents dont elle vient d’essayer de défendre la cause.

« Je te remercie Mylène » chuchote Nicolas.

« C’est normal je vous aime et je vous trouve fantastique, vous êtes les êtres les plus sensibles que j’ai jamais rencontré. »

Mylène sourit de son sourire si beau et si fragile mais elle n’est pas fragile, c’est une apparence, à l’intérieur, Mylène est très forte.

« Nous allons chez tante Ambroisine, maintenant ? » questionne-t-elle.

« Bien entendu. »

 

Pendant ce temps-là chez Ambroisine et Omar.

« Omar, où étais-tu passé ? »

« Nulle part. »

« Qu’est-ce qui ne va pas ? »

« Rien, laisse-moi tranquille à la fin, j’en ai assez de tes reproches continuels, occupe-toi de ce qui te regarde et laisse-moi. »

« Omar ! »

« Quoi ? »

« Rien. »

Ambroisine laisse tomber la discussion. Depuis quelques temps, Omar et elle n’arrêtent pas de se disputer.

« Maman, qu’est-ce qui se passe ? » demande Alexis timidement.

« Rien mon chéri, retourne faire tes devoirs. »

« Maman, tu pleures ? »

« Non, je ne pleure pas. »

Alexis s’approche de sa maman et dépose un baiser sur sa joue.

« Tu sais, maman, moi je t’aimerais toujours. »

« Moi aussi Alexis, je t’aimerais toujours, heureusement que je t’ai. »

A cet instant, Caroline pousse la porte avec difficultés.

« Caroline ! » s’écrie Ambroisine étonnée.

L’enfant aux boucles blondes et aux grands yeux bleus pales la fixe et on dirait que soudain elle comprend que sa maman est triste mais pour elle tout est compliqué et elle retombe bien vite dans son brouillard habituel. Alexis prend la main de sa petite sœur qui marche désormais et l'entraîne hors de la pièce.

La porte s’ouvre brutalement derrière Caroline.

« Bonjour c’est nous. »

Mylène bondit sur sa tante et l’embrasse, Ambroisine a retrouvé le sourire.

« Tu es en retard. »

« Je suis allée à la manifestation. »

« Bonjour Ambroisine » déclare Nicolas en entrant, « tu as pleuré ? »

« Non. »

« Mais si elle a pleuré, elle s’est disputée avec papa encore une fois. »

Nicolas s’est assis à côté de sa sœur.

« Qu’est-ce qui se passe entre Omar et toi ? »

« Je ne sais pas. »

Elle éclate en sanglots sur l’épaule de Nicolas.

« Nous n’arrêtons pas de nous disputer pour des broutilles. »

« Ce n’est peut-être pas grave, il doit être fatigué, ce qui vous ferait du bien ce serait un voyage rien que tous les deux. »

« Tu crois ? »

« Oui pourquoi pas Istanbul ? C’est là que votre amour est né. »

« Oui. »

Elle se serre contre son frère, son sourire renaît lentement, elle serre la main de son fils et pense que c’est vraiment une bonne idée.

 

Pendant ce temps, Mylène a pris Caroline par la main et l’a emmené jusqu’à sa chambre, elle s’est assise en face d’elle.

« Caroline, on va essayer de dire des mots. »

La fillette fixe Mylène avec attention.

« Tu vas répéter maman, ma – man, allez ! »

Mais Caroline ne veut pas dire maman, elle ouvre la bouche et esquisse une syllabe.

« My… »

« Continue. »

« Myl… Mylène. »

Le mot est sorti pour la première fois de sa bouche et Caroline s’amuse à le répéter.

« Mylène, Mylène, Mylène. »

C’est la première fois qu’elle dit un mot distinct et elle vient d’avoir six ans mais pour Mylène c’est encourageant.

« Tu viens on va aller dire à ta maman que tu as dit un mot. »

Caroline semble comprendre et fait un effort pour se lever, elle regarde Mylène, celle-ci la fixe avec son étonnement d’enfant devant les progrès de Caroline puis elle esquisse son joli sourire, ce qu’elle veut c’est que Caroline fasse pareil mais c’est trop dur pour elle et son regard redevient vide. Pourtant elle suit sa cousine jusqu’au salon, sa cousine aux boucles rousses qui croit en elle, sa cousine qui défend avec acharnement toutes les différences, que ce soit celles de ses parents homosexuels ou de celle de sa cousine Caroline, celle que les médecins disaient condamnées à ne jamais marcher et à ne jamais parler mais Mylène sait qu’avec beaucoup d’amour on peut tout.

 

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L’image est réapparue encore une fois devant ses yeux horrifiés et elle lui parle.

« Emeline, quand vas-tu venir me rejoindre ? »

« Non je ne viendrais pas, je ne veux pas te rejoindre, je veux rester ici. »

« Mais il y a beaucoup de monde avec moi, il y a Alexina, tu sais cette charmante enfant et puis il y a notre mère. »

« Mais je ne veux pas » reprend Emeline en pleurant, « je veux rester ici, tu sais Ambroisine est venue me voir, j’étais contente qu’elle vienne, ça faisait longtemps, je ne peux pas partir et laissez tout le monde. »

« Je ne compte pas pour toi ? »

« Je ne te connais pas, va-t’en et laisse-moi tranquille ! »

« Promets-moi de venir me rejoindre, c’est beau ici tu sais plus beau que là où tu es. »

« Je viendrais un jour, maintenant va-t’en. »

Emeline a de plus en plus de visions et maintenant elle discute même avec la première Emeline qui veut toujours qu’elle vienne la rejoindre mais elle préfère rester ici, sa sœur est venue la voir et lui a parlé de toute la famille, elle a envie de revenir parmi eux mais les médecins ne veulent pas, ils disent qu’elle n’est pas encore guérie mais ça elle le sait, elle sait aussi qu’un jour elle ne pourra plus résister à la première Emeline et que ce jour-là, elle la suivra dans l’au-delà. Elle aimerait tellement que quelqu’un l’aide mais pour elle, il n’y a plus personne.

 

 

 

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