Alexandrine - Neuvième partie : La nouvelle génération - Chapitre 2

Alexandrine regarde sa fille comme une inconnue, elle ouvre la bouche puis la referme ne sachant pas ce qu’il faut dire dans ces cas-là. Marie regarde Alex bien en face.

« Je veux le garder maman. »

Alex tente de dire quelque chose, ouvre de nouveau la bouche mais aucun son ne sort, enfin elle arrive à articuler.

« Marie, mon Dieu, tu es si jeune, comment est-ce que ça a bien pu arriver ? Qui est le père ? »

« Comment c’est arrivé, tu dois bien t’en douter maman, le père c’est… Tu ne vas pas te fâcher ? »

« Si je devais me fâcher ce serait déjà fait et ce serait compréhensible, tu as à peine quatorze ans et tu m’annonces que tu es enceinte, tu voudrais que je fasse quoi ? Que je saute de joie ? Alors le père ? »

« C’est Karol. »

« Karol ? Notre Karol ? Ton cousin ? »

« Oui. »

« Mon Dieu. »

Alex s’assoit dans un fauteuil, la tête entre les mains.

« Tu lui as dit ? »

« Oui et il était… comment dire ? Un peu confus, je t’avoue que nous n’y avions pas pensé, je ne croyais pas que je pourrais tomber enceinte. »

« Tu n’es pas stupide tout de même, tu sais comment on fait les enfants, qu’est-ce que tu croyais ? Que tu étais immunisée ? »

« Je ne pensais à rien maman, je te le répète, nous n’y avons pas pensé, c’est sûrement vrai que c’est stupide mais il est là maman », elle montre son ventre encore plat « je veux le ou la garder. »

« Tu es sure ? C’est une grosse responsabilité un enfant, ce n’est pas un jouet et tu ne trouveras peut-être plus cela si amusant quand il sera né. »

« J’essaierais d’être une bonne mère, je te le jure. »

« D’accord, de toutes façons je n’ai jamais été pour l’avortement. »

« Maman. »

« Oui ?»

« Karol veut reconnaître cet enfant, il dit que c’est logique puisque c’est lui le père. »

« C’est une évidence, nous aurons donc un petit Volkov dans cette maison. »

Alex sourit à Marie qui a soudain une petite mine triste.

« Allez ma chérie, ça va aller, nous allons surveillez cette grossesse et tout se passera bien tu verras. »

« Maman, il y a une chose qui me fait peur tout de même, c’est l’accouchement. »

« Nous en parlerons un peu plus tard dans ta grossesse, tu en ais à deux mois et c’est Noël et puis tu sais accoucher ce n’est pas si terrible, j’en ai mis six au monde et je me porte comme un charme. »

Marie retrouve le sourire et s’échappe pour aller s’habiller pour la soirée du réveillon.

Alex reste seule dans le bureau, songeuse, elle a réagi comme elle aurait aimé que sa mère réagisse si elle lui avait annoncé qu’elle était enceinte à quatorze ans mais avec Djamel ils avaient la tête sur les épaules et avaient pris leurs précautions, c’est vrai que Djamel était plus âgé.

« Tu as l’air triste mon ange » s’écrie justement ce dernier en entrant.

« Le ciel vient de me tomber sur la tête, ma fille de quatorze ans vient de m’annoncer qu’elle est enceinte. »

« Marie ! » s’exclame Djamel interloqué, « mais de qui ? »

« De Karol, tu vois le problème, mes parents vont être arrière-grands parents pour la seconde fois, doublement de plus…. Elle est si jeune, c’est un bébé, je la regardais pendant qu’elle me parlait, elle a les joues rondes de l’enfance, elle ne peut pas être mère mais elle veut le garder et je respecterais sa décision et s’il le faut, nous élèverons cet enfant. »

« Évidemment que nous l’élèverons, ce n’est pas notre genre de laisser un enfant seul, nous avons déjà recueilli Karol et nous avons quasiment élevé Pauline. »

« C’est vrai mais celui-là sera encore plus de notre chair. »

« Pour moi, il sera ma famille de cœur. »

« Je t’aime Djamel, heureusement que tu es là. »

Alex se serre contre lui avec passion. Djamel la laisse se blottir et l’embrasse tendrement comme toujours.

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Alexandrine est assise à un bout de la table, sérieuse et divine dans sa robe noire décolletée. Ses boucles blondes désormais à hauteur du menton tombent en désordre autour de son visage, ses yeux pales brillent dans la lumière du lustre. Djamel en costume noir est assis à sa droite, à sa gauche Alex a choisi de mettre Jérôme qui ne sait pas encore qu’il va devenir grand-père.

Ensuite les nombreux invités de ce réveillon de Noël sont assis par couple et par affinités. C’est ainsi que Coralie et Grégory voisinent avec Emilie et Sébastien. Arthur et Florence sont près de Victor et Rebecca. Marc et Caroline ne sont pas très loin ainsi que Djemila et Karim.

Ilya est assis entre Evguenia et Farid, l'aîné de Djemila, vingt ans qui est étudiant en droit. A côté d’Evguenia, la toute petite Xénia sept mois, trône dans sa chaise haute et se manifeste à tout bout de champ par des gazouillis de toute sorte. La jolie petite fille arbore de magnifiques boucles brunes et les yeux bleus clairs de son père très légèrement plus sombres que les siens. Ensuite viennent Gaby et Thomas, Gaby est redevenu sage, Coralie l’a pris entre quatre yeux et lui a expliqué où menait la drogue. Gaby a dû avouer que rien ne justifiait ce qu’il faisait et il a repris ses études avec sérieux et entrain, continuant le théâtre ainsi que l’équitation qu’il adore toujours autant. 

Gaby envisage de devenir commissaire-priseur. Thomas a été ravi de le voir retrouver le droit chemin, il est bien conscient que son amour pour lui y est pour beaucoup. A ses cotés se trouvent Fatima, dix-huit ans et son petit ami, Iossef un jeune homme de vingt ans qui fait des études de sciences physiques tandis que Fatima a commencé une faculté de lettres.

Ensuite, il y a Yasmina, seize ans, lycéenne en classe de première. Karol est assis à côté d’elle, le jeune garçon de quinze ans est soucieux, il ne cesse de songer à l’enfant que porte Marie et qui est le sien aussi et cela l’angoisse énormément. Marie, à ses côtés, semble plus détendue, les paroles de sa mère l’ont un peu rassurée et puis surtout, elle se dit qu’il lui reste sept mois avant d’accoucher et que ce soir c’est Noël et elle aimerait être encore un peu une enfant.

A sa gauche, se trouvent Audrey puis Quentin et Nadia tous quatorze ans et élève de troisième comme Marie.

Viatchi et Pauline sont assis côte à côte, ils sont venus d’Ukraine spécialement pour Noël, Vladimir, pourtant invité n’a pas voulu venir. Ils vont passer leur baccalauréat en juillet et rentreront à Paris pour le mois de septembre, Viatchi souhaite s’inscrire en faculté d’architecture et Pauline voudrait devenir décoratrice, ils souhaiteraient aussi prendre un appartement ensemble.

Marguerite vient ensuite toujours aussi brune par rapport à Quentin et Pauline, son frère et sa sœur qui sont si blonds, elle est assise à côté de Corentin et de Svetlana, dix ans tous les trois. Svetlana se remet peu à peu du drame qui a endeuillé sa famille.

Nicolas son père est toujours à l’HP où pour le grand malheur d’Alexandrine, il est bourré de calmants, si bien que lors des visites, il ne reconnaît plus sa famille. Parfois Alex se dit qu’il serait mieux pour tout le monde que Nicolas soit mort.

Ensuite, il y a Eléonore et Samuel, huit ans qui sont en grande discussion sous la surveillance lointaine de Rebecca qui ne lâche que rarement son fils des yeux.

Les jumeaux sont assis en bout de table, Zachia la tête posée entre les mains, les coudes sur la table contemple tout le monde de ses yeux perçants,  Alex croise son regard et lui sourit surprise soudain par le sérieux de l’enfant de cinq ans. A ses côtés Camille mange tranquillement sans prêter attention à son frère, elle écoute plutôt ce que lui dit Eléonore. Alex secoue Djamel pour qu’il regarde le petit bonhomme à l’autre bout de la table, Djamel sourit à Alex.

« Qu’est-ce que tu crains ? Oui il a l’air sérieux soudain, il réfléchit sans doute, à quoi ? Je ne sais pas, regarde ça y est, il sourit, les mères ça s’inquiète toujours pour rien. »

« Mais non, je trouvais étrange qu’il soit si sérieux lui qui est toujours tout fou. »

« Un jour il sera sage, j’en suis persuadé, sage et fou à la fois, l’âme orientale et l’âme russe mélangées je ne sais pas trop ce que cela peut donner. »

« Ilya. »

« Oui mais aussi Zachia et Camille et ils ne sont pas comme Ilya. »

« Non, ils seront moins têtus que lui j’espère parce qu’il m’énerve avec son poste d’ambassadeur, il est si loin de moi et je ne peux pas voir Xénia grandir. »

« J’ai bien peur que Zachia soit plus têtu qu’Ilya mais Camille est docile bien qu’il faille se méfier de l’eau qui dort. »

« J’en sais quelque chose avec Marie, si je m’étais attendu à ça, tu parles d’un cadeau de Noël. »

« Oublie pour ce soir, regarde tes enfants, ils sont tous beaux et en bonne santé, ce qui arrive à Marie n’est pas si grave. »

Alex acquiesce et tourne son regard successivement vers chacun de ses enfants.

Ilya et Evguenia en admiration devant Xénia, Gaby et Thomas en pleine discussion, Viatchi et Pauline en train de s’embrasser, Marie et Karol les yeux dans le vague et enfin Camille-Férouzane et Zakariyyâ-Ibrahim qui ont tous deux retrouvés leur entrain et sont tout sourire.